L’optimisation de l’espace publicitaire
Aux débuts d’Internet, la rentabilité de la publicité était médiocre car elle était peu ciblée. On se souviendra des années 2000, quand une page web contenait 90% de bandeaux publicitaires clignotants (ou fenêtres surgissantes « pop-up ») et 10% de « contenu utile ». C’était dommageable pour l’éditeur du service, et désagréable pour l’utilisateur.
Il devenait évident qu’il fallait mieux cibler la publicité afin de la rendre moins invasive. Or Internet permet d’individualiser le contenu avec une finesse inégalée par rapport aux médias traditionnels. Sur Internet chaque utilisateur est unique, chacun peut être exposé au contenu le plus « adapté » pour lui. Mais pour cela, on a besoin de le connaître, donc de récolter des données personnelles sur chacun. Les services de « type 3 » sont nés de ce constat.
Le résultat fut spectaculaire : en quelques années les pages web réduisirent drastiquement l’espace alloué aux publicités. Les utilisateurs bénéficiaient d’une bien meilleure expérience sur des services de « type 2 » qui encaissaient plus de revenus puisque les publicités qu’ils devaient afficher étaient bien plus efficaces. Et même les services de « type 1 » faisaient plus de ventes.
A quel prix ?
On dit « Quand c’est gratuit, c’est vous le produit ». Plus précisément, le produit services de « type 3 », ce sont les données des utilisateurs. Ce modèle économique est à la base d’entreprises qui sont aujourd’hui devenues les plus importantes capitalisations boursières mondiales.
Tout est donc fait pour attirer les utilisateurs (promotions et effets de réseau) et pour les empêcher de partir (en élevant le coût du départ, en créant des addictions). Ce qui tend à créer des « silos » entre lesquels le manque d’interopérabilité est bien sûr voulu.
Ces données caractérisent chaque utilisateur : ses goûts, ses habitudes, ses envies, son état de santé, sa tranche d’âge, son orientation politique, religieuse, sexuelle etc. L’ensemble des données récoltées sur un utilisateur permettent de constituer un profil bien plus précis que ce qu’il pourrait dire de lui-même si on lui demandait.
Par la suite, ces profils sont revendus à tous ceux qui peuvent en tirer profit : publicitaires à des fins de ciblage, assureurs à des fins d’évaluation du risque (donc de la prime), politiciens à des fins de marketing politique (voire de manipulation de masses).
Quand de plus il y a collusion avec les États, et c’est le cas y compris dans les démocraties, cela permet la surveillance de masse, avec comme effet secondaire immédiat l’auto-censure généralisée (les anglophones parlent de « chilling effect », littéralement « l’effet de refroidissement »).